La chute du gouvernement Bayrou, actée ce 8 septembre par un vote de défiance à l’Assemblée nationale, prolonge l’instabilité que connaît la France depuis plusieurs mois. À quelques semaines seulement de la présentation des projets de loi de finances (PLF) et de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), la crise politique fragilise non seulement l’exécutif, mais aussi la continuité budgétaire et de la clarté démocratique.
Le budget de l’Etat n’est jamais improvisé. Depuis janvier, les conférences budgétaires, les arbitrages ministériels, les négociations interservices et les avis du Haut Conseil des finances publiques se sont enchaînés pour aboutir à la rédaction du “bleu” budgétaire. C’est sur la base des orientations évoquées voilà quelques semaines par le Premier ministre sortant que la discussion budgétaire s’organise. Le dépôt des projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale est censé avoir lieu comme chaque année, le premier mardi d’octobre (article 39 de la loi organique relative aux lois de finances dite LOLF). Mais la chute du gouvernement remet en cause ce calendrier constitutionnel, avec un double risque : un report du vote des textes fondamentaux pour la vie du pays, et un flou sur les priorités politiques de la majorité à venir.
Une instabilité qui fragilise les politiques publiques
Cette situation n’est pas inédite. En 2024 déjà, l’instabilité gouvernementale avait conduit à l’adoption d’une loi de finances “spéciale”, en dehors du calendrier classique. Plus récemment, le plan Logement porté par le gouvernement Attal a été suspendu sine die, et plusieurs réformes liées à la planification écologique ou à la santé mentale ont été abandonnées avant d’avoir pu être présentées en Conseil des ministres. Chaque changement de gouvernement emporte avec lui ses arbitrages, ses textes en préparation et ses priorités.
Cette succession rapide des ministres et des équipes fragilise l’action publique. Elle crée une fatigue civique et institutionnelle : les acteurs économiques et sociaux ne savent plus à quel projet se fier, ni à quel interlocuteur s’adresser. Les administrations, déjà sous tension, peinent à maintenir le fil des politiques engagées. Et les citoyens, témoins de ces revirements successifs, renforcent leur défiance à l’égard d’une parole politique instable et peu lisible.
Un moment de bascule pour le PLF et le PLFSS
Le Projet de loi de finances (PLF) et le Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) sont pourtant les deux textes fondamentaux qui structurent la vie budgétaire du pays. Le PLF fixe les ressources et les dépenses de l’État ; le PLFSS encadre celles de la Sécurité sociale et notamment les dépenses de santé à travers l’ONDAM.
Le processus de préparation de ces textes mobilise chaque année, de janvier à septembre, des milliers de fonctionnaires et d’experts au sein de la Direction du Budget, de la Direction de la Sécurité sociale et des ministères sectoriels. Il repose sur un calendrier constitutionnel rigoureux et des arbitrages politiques exigeants.
Dans ce contexte, le risque est double :
- D’un côté, celui de devoir retarder le dépôt des textes, faute de gouvernement en capacité de les présenter.
- De l’autre, celui d’avoir des lois adoptées dans l’urgence, sans délibération sereine, ou même par 49.3 successifs.
Une démocratie moderne a besoin de stabilité
Les démocraties modernes reposent sur des désaccords assumés, mais elles ne peuvent fonctionner sans un minimum de continuité institutionnelle. Ce qui est en jeu aujourd’hui, ce n’est pas le pluralisme des idées — c’est la capacité collective à agir malgré les alternances. Cela suppose un effort partagé pour stabiliser les calendriers, clarifier les réformes, sécuriser les engagements pris. En somme, retrouver un cap.
La comparaison avec d’autres pays parlementaires est éclairante : en Allemagne ou aux Pays-Bas, les coalitions prennent du temps à se constituer, mais lorsqu’elles gouvernent, elles le font dans un cadre stable et lisible. En France, la culture présidentielle couplée à une fragmentation politique inédite rend l’exercice du pouvoir de plus en plus précaire. Les perdants sont connus : l’investissement public, la qualité du débat démocratique, et la capacité à construire des politiques sur le long terme.
La communication politique en ligne de mire
Dans ce climat d’incertitude, la parole publique est plus précieuse — et plus vulnérable — que jamais. Le rôle des communicants, des conseillers et des experts en relations publiques n’est pas de masquer les crises, mais d’accompagner les acteurs dans une lecture lucide de la situation, en assumant les zones grises, en clarifiant les engagements et en maintenant le lien avec les parties prenantes. Dans les mois à venir, le PLF et le PLFSS seront des terrains d’épreuve : pour le Parlement, pour les administrations, pour les acteurs économiques et sociaux. Mais ils seront aussi un test de la maturité démocratique française. Ne laissons pas la crise politique ruiner l’intérêt général.