Formation continue : enjeux pour les professionnels de santé

5 Déc 2025 | Politique

Le système de santé français traverse une période de transformation profonde. Les innovations thérapeutiques s’accélèrent, les organisations professionnelles se recomposent, les attentes sociétales évoluent et les enjeux de santé publique se complexifient. Dans ce contexte mouvant, la formation continue n’est plus un simple dispositif technique : elle devient un pilier stratégique pour garantir la qualité des soins, renforcer la sécurité, soutenir la prévention et accompagner les évolutions du métier de soignant.

Le Développement Professionnel Continu (DPC), qui permet chaque année à près de 450 000 professionnels de santé d’accéder à des formations financées par l’État, occupe une place déterminante dans cette dynamique. Pourtant, le dispositif, créé il y a plus de dix ans, montre aujourd’hui ses limites. La réforme engagée par le gouvernement vise à le moderniser, mais elle suscite aussi de nombreuses interrogations. Pour l’Union Nationale du E-learning en Santé (UNES), qui fédère les principaux acteurs du numérique éducatif en santé, cette réforme n’est pertinente que si elle renforce l’équité d’accès, la cohérence du pilotage et l’indépendance scientifique de la formation.

Un dispositif utile mais aujourd’hui sous tension

Depuis sa création, le DPC a joué un rôle essentiel dans la diffusion des bonnes pratiques, la montée en compétences et la réduction des inégalités territoriales d’accès à la formation. Malgré sa légitimité incontestée, le dispositif reste fragilisé. Les rapports de l’IGAS et de la Cour des comptes ont mis en évidence un taux de participation encore insuffisant, une complexité administrative qui décourage certains professionnels, ainsi qu’une grande disparité dans l’accès selon les territoires ou les métiers.

À cela s’ajoute un contexte budgétaire tendu. Le financement public du DPC est indispensable, car il garantit l’indépendance scientifique des formations : aucun contenu validé par l’ANDPC ne peut être financé par l’industrie. Cette règle protège la formation continue de conflits d’intérêts et constitue un gage de confiance pour les soignants. Une réduction du financement public risquerait d’affaiblir ce modèle et de pousser certains opérateurs vers des solutions privées, avec toutes les dérives que cela pourrait entraîner.

L’arrivée progressive de la certification périodique constitue un enjeu supplémentaire. Celle-ci impose aux soignants une actualisation régulière et vérifiable de leurs compétences. Si la réforme du DPC n’est pas clairement articulée avec ce nouveau cadre, c’est l’ensemble du système qui pourrait devenir illisible et difficilement praticable pour les professionnels.

Les CNP au cœur du pilotage : une avancée, mais des risques de fragmentation

La réforme prévoit de confier aux Conseils Nationaux Professionnels (CNP) un rôle accru dans l’identification des besoins et des priorités de formation. Cette évolution est logique : les CNP possèdent une expertise disciplinaire fine, ce qui peut permettre de mieux cibler les formations et de renforcer la pertinence des contenus.

Mais ce transfert de responsabilités présente également des risques majeurs. Tous les CNP ne sont pas dotés des mêmes ressources. Certains bénéficient d’équipes solides, d’outils numériques performants et d’une structuration institutionnelle robuste. D’autres reposent largement sur du bénévolat et disposent de moyens limités. Une montée en charge trop rapide pourrait accentuer les inégalités et créer un système à deux vitesses selon les spécialités.

Un autre risque, tout aussi important, concerne la fragmentation disciplinaire. Si chaque CNP pilote exclusivement sa propre formation, l’offre risque de se structurer en silos. Or les enjeux actuels – coordination des parcours de soins, prévention, santé environnementale, prise en charge des maladies chroniques, travail en équipe pluriprofessionnelle – nécessitent au contraire des approches transversales. La force du DPC réside aujourd’hui dans la diversité des formats, des opérateurs et des perspectives pédagogiques. Une gouvernance trop centrée sur les spécialités pourrait fragiliser cette richesse.

Le numérique : levier clé de la formation continue

L’une des grandes forces du DPC est d’avoir intégré tôt le numérique dans sa stratégie de formation. Le e-learning a prouvé qu’il pouvait lever des obstacles majeurs : l’éloignement géographique, les contraintes horaires, le manque de disponibilités et la surcharge de travail. Il permet également une traçabilité complète, une adaptation fine aux profils professionnels et une réduction des coûts logistiques.

Grâce à cette digitalisation, des milliers de professionnels exerçant dans des zones rurales ou sous-dotées peuvent accéder à des formations de qualité, sans interruption de leur activité. Le numérique ouvre également la voie à des approches pédagogiques plus engageantes : parcours personnalisés, simulations interactives, classes inversées, analyse de pratiques en ligne, intelligence artificielle au service de la progression.

Il est essentiel que la réforme ne freine pas cet élan, mais au contraire le renforce. Le numérique doit rester un vecteur d’équité et d’innovation, et non une variable d’ajustement budgétaire.

Reform et l’UNES : une vision commune pour une réforme utile et durable

Dans cette période charnière, Reform accompagne l’UNES pour soutenir une vision constructive, ambitieuse mais pragmatique de la réforme du DPC. Les deux organisations partagent la même conviction : la modernisation du dispositif ne peut réussir que si elle préserve ses trois fondements majeurs – l’indépendance scientifique, l’équité d’accès et la cohérence du pilotage.

Reform contribue à éclairer les enjeux, à structurer les recommandations et à porter une voix unifiée capable de dialoguer avec les pouvoirs publics. L’objectif n’est pas de défendre un statu quo, mais de garantir que la réforme serve réellement les professionnels, les patients et la qualité des soins. Ensemble, l’UNES et Reform plaident pour une réforme équilibrée, stable, lisible, qui simplifie le parcours des professionnels et renforce la cohérence entre DPC, certification périodique et obligations professionnelles.

Transformer la réforme en investissement pour l’avenir

La réforme du DPC doit être comprise comme un investissement stratégique pour le système de santé. Former mieux, c’est soigner mieux. C’est aussi améliorer la qualité des pratiques, réduire les erreurs, renforcer la prévention, favoriser l’innovation et soutenir la fidélisation des professionnels.
Si elle est construite collectivement et financée de manière stable, cette réforme peut devenir l’un des leviers les plus puissants pour accompagner les transformations du système de santé dans les années à venir.

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