Pour ce nouveau billet, Béchir Saket fournit son analyse de l’élection qui a eu lieu il y a quelques jours en Polynésie et s’est concrétisée par l’élection de Moetai Brotherson au siège de Président.
Moetai a été élu président de la Polynésie française le 12 mai 2023 en obtenant la majorité des votes de l’Assemblée territoriale.
Le Président Brotherson ? Travailleur et discret
Brotherson se distingue par son identité polynésienne qu’il revendique fièrement. Arrivé à l’Assemblée nationale en 2017, il a rapidement assumé le port des vêtements traditionnels. Le journal Le Monde qui lui dédiait un portrait il y a quelques jours rappelait qu’il a aussi un passé dans le rugby, la boxe et les arts martiaux mixtes. Au-delà des détails secondaires que d’aucun trouveront peut-être intéressants pour mieux comprendre le personnage, il faut d’abord dire que c’est un travailleur discret qui a réussi à faire réinscrire la Polynésie française sur la liste des territoires non autonomes à décoloniser de l’ONU, malgré l’opposition de la France.
Brotherson, qui a passé une partie de sa carrière dans l’informatique et les télécommunications en France et aux États-Unis, a commencé à s’impliquer en politique en 2004. Il a rejoint le parti de Temaru, le Tavini Huiraatira, en 2013 et a rapidement gravi les échelons, devenant le premier député indépendantiste polynésien en 2017.
Une campagne de terrain, au plus proche des problèmes du quotidien
Moetai est considéré comme faisant partie d’une nouvelle génération de leaders politiques, utilisant les réseaux sociaux pour atteindre la jeunesse et contester les politiciens en place depuis des décennies. Après leur victoire aux élections législatives, Brotherson et ses collègues députés sont devenus les figures de proue du parti Tavini pour les élections territoriales.
Brotherson a une approche plus modérée de l’indépendance qu’Oscar Temaru, le leader indépendantiste. Il estime en effet que la Polynésie n’est pas encore prête à être indépendante et que ce processus doit passer par un référendum d’autodétermination qui pourrait « intervenir d’ici 10 à 15 ans ». Sa campagne s’est concentrée sur des questions de pouvoir d’achat et de défense d’une nouvelle éthique politique.
Un tournant libéral pour la Polynésie ?
L’une des premières leçons de l’élection de Moetai Brotherson est peut-être le virage libéral qu’il entend défendre à la tête de la collectivité du Pacifique. Technique sur les questions de fiscalité et sur le sujet économique, il a rappelé lors de la campagne son souhait d’une imposition plus équitable pour la population et ne bridant pas l’investissement et la construction de projets innovants.
Moetai a pour objectif de rendre la Polynésie plus autosuffisante, en développant son économie pour moins dépendre des transferts de la France. L’une des ambitions de son programme est de multiplier le nombre de touristes et de développer l’hydrogène pour limiter l’importation d’énergies fossiles.
Un nouveau gouvernement, jeune et principalement issu de la société civile
Moetai Brotherson a formé un gouvernement rajeuni, majoritairement issu de la société civile, qui comprend quatre femmes et six hommes, dont certains sont relativement inconnus en politique et sont très jeunes. Eliane Tevahitua, la vice-présidente et ministre de la Culture, de l’Artisanat, de la Recherche et de l’Enseignement supérieur, est une élue de longue date. Jordy Chan, le ministre de l’Équipement et des Grands Travaux, est le benjamin du gouvernement à 29 ans et n’a pas d’expérience politique1.
Des figures plus connues de la politique locale ont également été nommées, comme Minarii Galenon, ministre de la Solidarité, et Vannina Crolas, ministre de l’Emploi. Brotherson s’est attribué les portefeuilles ministériels des Transports aériens internationaux, de l’Égalité des territoires, des Affaires internationales, du Développement des archipels, de l’Économie numérique et des Conséquences des essais nucléaires, ainsi que celui du Tourisme, première ressource économique locale. Nathalie Salmon-Hudry a été nommée déléguée interministérielle au handicap. Le président s’est engagé à ce qu’il n’y ait « pas de chasse aux sorcières » dans les services de la collectivité.
Entre la lutte contre l’inflation, la mobilisation nécessaire pour recréer du lien avec la population, la relance du tourisme, la lutte contre l’endettement, la recherche de nouveaux partenariats stratégiques avec les pays de la région autant que la place essentielle de la Polynésie dans l’Indopacifique, c’est un mandat historique qui attend la Polynésie. Et Reform Paris sera au rendez-vous pour suivre cette actualité essentielle.