Les groupes écologistes à l’Assemblée nationale et au Sénat organisent ce lundi 12 juin un séminaire de travail intitulé Notre alimentation est politique. J’y interviens au titre de ma double casquette de référent sur les questions de santé au sein d’Europe-Ecologie Les Verts et en qualité de consultant en affaires publiques. À cette occasion, la première table ronde vise à évoquer la question de l’obésité et du rapport de Martine Laville récemment rendu. Dans ce nouveau billet de blog, je m’interroge sur les moyens de changer les politiques publiques pour améliorer la lutte contre l’obésité.
La France est confrontée à une préoccupation majeure de santé publique : l’obésité. Avec 8,5 millions de citoyens déjà touchés et une projection alarmante de près de 30 % de la population d’ici 2030, personne ne contestera le fait qu’il est urgent d’agir.
Les politiques autour de l’obésité depuis 2016
Au fil des années, la France a mis en place plusieurs mesures pour lutter contre l’obésité. C’est un sujet qui semble de plus en plus faire consensus malgré la pression de certains opérateurs économiques dans le domaine agroalimentaire.
Ainsi, plusieurs dispositifs ont été créé en ce sens :
- La loi relative à la modernisation de notre système de santé (2016) : Cette loi a introduit plusieurs mesures visant à promouvoir une alimentation plus saine et à prévenir l’obésité. Par exemple, elle interdit la vente de boissons sucrées à volonté à des prix forfaitaires dans les lieux de restauration. Elle encourage également l’activité physique.
- L’étiquetage nutritionnel Nutri-Score (2017) : La France a adopté le système d’étiquetage nutritionnel Nutri-Score pour aider les consommateurs à faire des choix alimentaires plus éclairés. Ce système attribue une lettre et une couleur aux produits alimentaires en fonction de leur qualité nutritionnelle.
- Le Programme National Nutrition Santé (PNNS | 2019-2023) : Ce programme d’action vise à améliorer la santé de la population en agissant sur l’un des déterminants majeurs : la nutrition. Il comprend des recommandations nutritionnelles et des campagnes de sensibilisation à une alimentation équilibrée et à l’importance de l’activité physique.
- La stratégie nationale de santé (2018-2022) : Cette stratégie fixe des objectifs spécifiques pour la prévention et la prise en charge de l’obésité, notamment la réduction de sa prévalence chez les enfants et les adolescents, ainsi que l’amélioration de sa prise en charge chez les adultes.
Le rapport Laville pour améliorer la lutte contre l’obésité
L’obésité est devenue une véritable « épidémie » touchant 8,5 millions de personnes et menaçant près de 30 % de la population d’ici 2030. Martine Laville, professeure de nutrition et responsable du centre intégré de l’obésité aux Hospices civils de Lyon, s’est attelée à la tâche de rédiger un rapport sur la prévention et la gestion de cette problématique de santé publique. Cette initiative est issue d’une commande des ministres de la Santé et du Handicap, dans le but de définir une stratégie gouvernementale efficace pour les cinq prochaines années.
L’obésité a des répercussions considérables sur la santé publique, augmentant les risques de diabète, de maladies cardiovasculaires et de cancer. Elle pèse également lourdement sur le système de santé, avec des coûts directs et indirects estimés entre 20 et 40 milliards d’euros par an. De plus, les populations les plus défavorisées sont les plus touchées par ce problème de santé. Le rapport de Martine Laville présente 40 recommandations qui se concentrent sur trois domaines clés : la prévention, l’amélioration du traitement et l’investissement dans la recherche et l’innovation. Une attention particulière est accordée aux régions d’outre-mer. L’approche proposée consiste à adopter une perspective ascendante en prenant en compte les besoins spécifiques de chaque région.
Alimentation et enfance : une piste prioritaire d’action
Un domaine d’intervention crucial est celui de l’enfance, en particulier dans les milieux défavorisés. Martine Laville préconise une approche globale dans les quartiers prioritaires, en favorisant l’activité physique, l’éducation alimentaire et l’accessibilité à une alimentation saine à l’échelle locale. Des initiatives telles que « Opticourses », qui soutient les familles à faible revenu de Marseille pour améliorer la qualité nutritionnelle de leurs achats, pourraient être reproduites dans d’autres régions. Par ailleurs, transformer les cantines scolaires en espaces d’éducation alimentaire en proposant des repas subventionnés à 1 euro financés par l’État est une proposition concrète. Cela rejoint notamment la proposition de loi portée en avril 2023 par la députée écologiste Francesca Pasquini avec un focus sur l’école et les cantines scolaires. Cette dernière sont un outil essentiel d’éducation à l’alimentation et moyen pour une lutte efficace contre la réduction des inégalités.
Améliorer la prise en charge des personnes en surpoids ou obèses
Le rapport préconise également une refonte de la prise en charge des adultes en adoptant une approche multidisciplinaire, en intensifiant progressivement les soins avant de recourir à la chirurgie bariatrique. Cela pourrait impliquer un soutien à la modification des modes de vie, des conseils diététiques et un accès à de nouveaux médicaments. Martine Laville propose d’étendre la consultation spécialisée à long terme déjà disponible pour les enfants chez les généralistes. Elle recommande également d’étendre les forfaits de soins expérimentés dans le cadre de l’article 51 de la loi de finances de 2018, en veillant à leur disponibilité et à leur remboursement généralisés. Sabrina Sebaihi, Députée des Hauts-de-Seine et à l’initiative d’un groupe transpartisan sur la question de l’obésité, défendait récemment la prise en charge des séances de sport et l’intégration de l’obésité dans la liste des affections longues durées (ALD).
Une nouvelle politique en cours d’élaboration ?
Selon le Journal du Dimanche, un nouveau plan gouvernemental pour lutter contre l’obésité en France est en cours d’élaboration. Cette initiative reflète la reconnaissance de l’obésité comme un enjeu majeur de santé publique nécessitant des stratégies d’action concrètes pour les cinq prochaines années, tout en abordant les inégalités d’accès à la santé. En parallèle, les travaux à l’Assemblée nationale s’accélèrent. Le Projet de loi de finances de la sécurité sociale 2024 peut être un bon véhicule pour améliorer la loi afin que les politiques soient plus efficaces dans le domaine.
J’en retire que la bataille contre l’obésité en France ne peut être remportée qu’à travers une approche globale, combinant des mesures de prévention, des interventions ciblées et une prise en charge adaptée. Il est essentiel d’agir dès maintenant pour inverser la tendance et promouvoir un avenir plus sain pour tous les citoyens.